Escale à Belle-Île-en-mer

Un long format multimédia sous forme de journal de bord 

Vagabonde Paris

Aleks Kinsky et Alice Instream, deux chasseuses d’illustres fantômes, entament leur série de carnets de voyage sur la plus grande île de Bretagne, Belle-Ile-en-mer.

Retracez leurs aventures en parcourant ce long format multimédia sous forme de journal de bord.


Un rire tonitruant résonne sur le rocher inébranlable de Basse-Hiot. Nous sommes sur la Pointe des Poulains, au nord de Belle-Ile-en mer, à marcher dans les pas de la grande Sarah Bernhardt. Dans le fortin en contrebas, une reconstitution historique de la villa de “Great”, la mega star d’une époque révolue, laisse entendre un étrange fantôme.

C’est le vent contre les volets, le vent qui souffle à nous soulever hors de cette terre sauvage. Mais pourquoi ne sommes nous pas tranquillement allées nous faire bronzer sur la Côte d’Azur, en ce drôle de mois de mai ?

Trop de starlettes sur la Croisette et une furieuse envie d’enfiler nos belles marinières pour prendre le large hors de la capitale en ont décidé autrement. Mais au fait, comment tout cela a-t-il commencé ?

Jour 1 : Paris / Palais / Goulphar

Métro, train, bus et bateau depuis Quiberon, un odieux voyage depuis toujours, mais c’est qu’elle se mérite cette île loin du continent !

La Citadelle Vauban se dévoile depuis le port de Palais où nous accostons et José le taxi nous accueille nonchalant pour nous conduire jusqu’à notre hôtel, sur la commune de Bangor.

Il faut être au calme pour poursuive d’illustres fantômes comme ceux de Sarah Bernhardt, de Claude Monet, Gustave Flaubert ou encore de la gouialleuse Arletty.  Alors on a choisi un point de chute au nom approprié de “Relais du Silence - La Désirade”, au milieu des terres, pour y passer quelques jours. Il paraît, ce sont les Bellilois qui le disent, que ce sont les plus gentils hôtes de l’île.

Un peu fatiguées par le voyage, nous nous laissons tenter par une première exploration des alentours et cheminons à pied jusqu’à Goulphar, le grand phare de Kervilaouhen. Classé monument historique, conçut par le physicien Fresnel, il fait le fier depuis près de deux cents ans car avec ses 50 kilomètres de portée, c’est l’un des plus puissants d’Europe.

Et il faut au moins cela pour éviter aux marins de s’échouer près des terribles aiguilles de Port-Coton, un peu plus loin sur la côte sauvage. Arrivées trop tard pour la visite et l’ascension de Goulphar, nous poussons un soupir de dépit teinté de soulagement ; 247 marches plus haut, c’est un panorama unique qui se laisse admirer par les courageux, près de cent mètres au dessus de l’océan.

D’ailleurs, rien qu’en humant les embruns, nous sommes déjà impatientes de nous frotter à ces fameuses aiguilles, qui ont tant inspirées Monet. Ce sera pour le lendemain. Pour l’heure, nous nous pressons de rentrer à l’hôtel avant que le soleil n’ait disparu et découvrons la devinette du jour dans la gazette du restaurant. Ils sont joueurs à la Désirade !

RIEN de tel que de se creuser les méninges en goûtant à “l’agneau de Belle-Isle”, une spécialité malheureusement un peu trop typée au goût d’Aleks Kinsky ; forcément, les prés salés cela change les habitudes des palais délicats ! Heureusement que le chocolat des desserts rattrape le coup de ce premier dîner, nous pouvons nous coucher ravies de ne pas avoir parcouru tout ce chemin en vain et tombons de sommeil, épuisées par l’air marin.

NDLR : Si vous cherchez encore la solution à l’énigme, elle se trouve en début du paragraphe précédent !

Jour 2 : Donnant - Port-Coton

Nous ne nous réveillons qu’après midi mais il paraît que c’est le changement d’air. Le soleil fait le timide derrière les cumulus et ne prévoit de sortir qu’un peu plus tard dans la journée. Vive la Bretagne ! J’embarque la go-pro dans le sac à dos, Aleks l’appareil photo, et nous enfourchons les vélos qu’on nous a confié pour la journée. La route file vite jusqu’à la plage de Donnant.

Sable fin, vent léger mais mer un peu agitée. Nous sommes en contrebas des dunes, aux pieds des falaises. Je redécouvre mes joies d’enfant à escalader les rochers. Quelques jeunes s’amusent en combinaisons dans les vagues et tentent de se redresser sur leur planche. L’école de surf est tout près pour ceux qui rêvent de glisser sur les rouleaux.

Pas aussi téméraires, l’on opterait plutôt pour le farniente au bord de l’eau, à écouter la mélodie du ressac contre les roches. Par beau temps, ici, c’est l’endroit idéal pour une sieste au soleil, et les petites criques aux alentours permettent surtout de trouver des coins d’intimité bien appréciables, auxquels on pense de loin l’air coquin.

Arletty l’avait bien compris d’ailleurs, elle qui avait acheté à une encablure de la plage, une petite maison de pêcheur en rêvant d’y retrouver Hans Jürgen Soehring, l’officier de la Luftwaffe dont elle était tombée folle amoureuse pendant la guerre.

Nous étions en 1947 et l’actrice débarquait juste sur l’île pour le tournage dantesque de La Fleur de l’âge, le projet maudit de Marcel Carné et Jacques Prévert qui ne fut jamais achevé fautes aux intempéries et à une production frileuse. 

Finalement, nous avons peut-être plus de chance qu’on ne le pense face aux éléments du moment ! Il est temps de prendre de la hauteur sur les choses ; littéralement. Car même si ça tire sur les jambes, quelques kilomètres seulement nous séparent de notre objectif du soir.

Nous remontons en selle, pédalons laborieusement, puis enfin, après quelques longues minutes, les voilà devant nous ces belles aiguilles torturées !

“Diaboliques mais superbes” disait Monet. Leur appellation vient d’ailleurs de l’écume fouettée qui y forme de cotonneux flocons par gros temps. Heureusement pour nous, le soleil paraît pour nous les dévoiler comme un petit trésor singulier, plus paradis qu’enfer à cet instant.

Forcément, l’on comprend mieux pourquoi le peintre est resté fasciné par la côte sauvage sous nos pieds et a prolongé son séjour de 1886 plusieurs semaines jusqu’à tant avoir saisi toutes les nuances de couleurs et de formes qui s’y impriment.

En face des Aiguilles, le Relais-Château Castel Clara offre un point de vue imprenable qu’il faudra que l’on reviennent tester lors d’une prochaine thalasso.

En attendant,  le Marie-Galante, encore plus près, nous offre un cadre unique pour dîner. Face au large, nous profitons de la superbe terrasse qui prolonge le restaurant et domine l’océan pour siroter un délicieux thé glacé maison.

En revanche c’est loupé pour la place parfaite, que l’on avait voulu réserver près de la baie vitrée en arrivant ; un couple de septuagénaire a eu vite fait de s’y attabler pendant que l’on cherchait à capter les derniers rayons illuminant notre panorama à couper le souffle.

Le responsable se rattrape en nous sortant un petit Quincy de sa cave de vins naturels et nous nous régalons d’une délicieuse dorade royale en croûte de sel qu’il découpe devant nous. Nous rentrons repues et ravies sur les lueurs du crépuscule.

Jour 3 : La Pointe des Poulains / Sauzon

Reprenons où nous avions commencé ce récit. La Pointe des Poulains au Nord-Ouest de l’île où nous avons bien faillies être emportées par Eole tout puissant, et le rocher de Basse-Hiot où Sarah Bernhardt pensait établir sa sépulture.

Elle avait raison la Divine, cette terre là n’est pas des plus hospitalières. Encore plus venteuse que les Aiguilles, le bout du bout de l’île. Mais quelle beauté, quelle puissance et quel cadre pour retrouver un fantôme hors du commun !

Et il a fallu se lever tôt pour ne pas rater le bus depuis l’hôtel ; Pour ceux qui n’ont pas loué de voiture en arrivant, 4 lignes font les liaisons depuis Palais.

Heureusement, les bellilois sont habitués à prendre les auto-stoppeurs depuis toujours, ce qui nous rassure pour le retour de cette longue journée d’expédition, sur les traces de la géniale comédienne.

Star internationale à la Belle-Époque, née en 1844, Bernhardt “la Divine”, “Great” pour la famille ou “La Voix d’Or” selon Victor Hugo est l’un personnage les plus hauts en couleur de la grande histoire du théâtre.

C’est elle la Salomé qui inspira Oscar Wilde, elle qui interpréta les plus grands rôles de l’époque, hommes ou femmes, de Jeanne d’Arc à la Dame aux Camélias en passant par l’Aiglon, qu’Edmond Rostand avait composé spécialement pour elle et qu’elle interpréta encore insatiable de jeu, en tournée outre-atlantique à plus de 75 ans et une jambe en moins !

Sa devise “Quand-Même” trône d’ailleurs en bonne place dans l’espace muséographique qui a pris possession de l’ancienne « Villa des Cinq Parties du Monde », que la comédienne avait fait bâtir sur le site des Poulains pour y accueillir sa famille.

C’est qu’elle a eu le temps d’aménager l’espace alentour depuis son premier coup de foudre avec le Fortin. Trente étés passés à Belle-Île avec ses proches et sa cour d’amis artistes et de gens du monde. Un petit empire de tranquillité construit à l’écart de la vie du siècle pour se reposer en s’agitant follement.

Forcément, nous voyons les scènes sortir de l’iconographie retracée dans le musée : un boa rapporté d’une tournée en Amérique se réveillant d’un sommeil un peu trop léger et avalant tous les coussins du fortin avant d’être refroidi par Sarah elle-même, les parties de pêche immergées avec la grande robe blanche qu’affectionnait la star en villégiature, les vers déclamés le soir et les improvisations mêlées au piano du compositeur Reynaldo Hahn, les histoires de chapeaux ébouriffantes peintes par le grand ami Georges Clarin...

Fascinées, nous passons sur le site une bonne partie de la matinée avant de nous remettre en route par le chemin côtier. Enfin, nous trichons un peu et profitons du bus jusqu’à la Villa Simone, du nom de la seconde petite fille de Sarah. Après avoir été occupée par son jardinier bienheureux, il dévoile désormais un restaurant table d’hôte que, gourmandes, nous aurions bien aimé tester si notre timing nous l’avait permis.

Mais c’est le port de Sauzon que nous cherchons désormais à atteindre. Sauzon, le petit port de pêche, tout bariolé des couleurs des anciennes maisons de marins.

Du chemin côtier, faute de temps, nous n’en avons vu qu’un bout. Bien tranquilles, du haut des falaises, nous pensions à Flaubert et son cher ami photographe et écrivain Maxime du Camp qui avaient effectué comme ça le tour de l’Île au printemps 1847. Ils y contemplaient déjà les mêmes “bouquets jaunes”.

Nous ne nous perdons pas comme eux et gagnons le port après une petite heure de marche. L’occasion de goûter à la bière brassée sur l’île, la Morgat, en version blanche, bien fraîche, et d’admirer les vieux pêcheurs ramener leur prise du jour.

Pour repartir, nous tentons de lever le pouce et nous faisons embarquer par la première voiture qui passe ; l’un des derniers Bellîlois né sur l’île nous apprends la légende des menhirs Jean et Jeanne devant lesquels nous passons en rentrant vers Bangor.

Seuls vestiges du mégalithisme qui s’opérait sur l’île, les deux pierres dressées figurent les amours interdites d’un barde et d’une bergère. Ils auraient été changés en pierre, l’un de schiste et l’autre de granit, sur un ordre du conseil des Druides, pour s’être aimés malgré les interdits de caste du village.

Heureusement que la légende mentionne également la magie de la bonne fée les laissant s’aimer et se retrouver les soirs de pleine lune. Celle-ci tombe justement le lendemain, aussi sommes-nous rassurées sur l’avenir de nos Roméo et Juliette bretons et pouvons nous tester l’esprit tranquille la fameuse crêperie chez Renée qui se trouve dans un dernier clin d’œil, rue Sarah Bernhardt, à Bangor.

Jour 4 : Le Palais / Paris

Notre dernier jour sur l’île est réservé à Le Palais, la ville principale de l’île, resserrée entre la Citadelle et ses remparts, que nous nous empressons justement d’aller explorer.

Nicolas Fouquet, qui avait racheté l’île en 1658 et en devint le marquis trois courtes années, serait certainement surpris de voir que l’arsenal qu’il avait voulu édifier au cœur de la forteresse accueille désormais les mariages et les séminaires des clients des Hôtels Particuliers du groupe Savry, propriétaire du site depuis 2005.

Douce ironie pour celui qui aimait donner de somptueuses réceptions et tomba en disgrâce auprès du roi Soleil pour avoir notamment envisagé des projets un peu trop ambitieux pour le site.

En souhaitant y établir un espace militaire stratégique, il donnait en fait toutes les raisons à son rival Colbert pour finir d’inquiéter le pouvoir royal. Résultat, Fouquet ne mit jamais les pieds sur l’île et Vauban récupéra la charge d’en faire une place forte.

L’ingénieur eût plus de temps pour améliorer les défenses et remanier la forteresse d’alors, à la fin du XVIIème siècle. La Citadelle porte désormais son nom et reste aujourd’hui visible sous la forme qu’il a en grande partie laissée.

Comme nous parcourons le site, de nouveaux fantômes viennent évidemment rôder avec nous sur les hauteurs de la Citadelle. Notamment dans les cellules qui furent utilisées pour enfermer les détenus politiques du XIXème siècle ; une partie des lieux fût en effet changée en pénitencier après la révolution de 1848.

Auguste Blanqui, le socialiste insurrectionnel y passa 7 ans de 1850 à 1857 et tenta même de s’y évader en 53. Armand Barbès, le socialiste républicain y fut aussi déporté, ce qui engendra entre les deux rivaux nombre de controverses et de débats, et nourrit ainsi des textes fondamentaux pour la gauche de l’époque.

L’agitation sociale et politique qui se tramèrent sur le territoire insulaire il y a plus de 150 ans, et précédèrent ainsi la Commune de Paris, trouvent de drôles d’échos dans nos pensées, mais nous n’avons guère le temps de laisser s’appesantir nos réflexions.

Le ciel commence à s’assombrir et le temps nous est compté ; le Vindilis, le navire de la compagnie Océane qui doit nous ramener sur le continent  prend le large dans moins d’une heure. Une descente sur le port s’impose.

Juste le temps de courir à la biscuiterie artisanale de la Bien Nommée, et de ramener quelques pots de Salidou, la délicieuse crème de caramel au beurre salé, et la corne de brume nous fait vibrer la poitrine depuis l’embarcadère.

“Toouuuuuuut...” le Vindilis notifie son entrée imminente dans la rade et signale aussi la fin de notre séjour. Nous attendons quelques instants que le navire se vide et se remplisse de nouveau du flot de ses passagers. Et nous rentrons avec tous les fantômes de l’île.

Ce sont eux qui nous permettront de faire ressurgir le souvenir de ce fantastique voyage breton en attendant notre retour.

FIN

Nos bonnes adresses

La sélection testée et approuvée par Aleks Kinky & Alice Instream

Hébergement :

Relais du silence / La désirade : au centre de l’île, chambres cosy au sein de petites maisons réparties dans un cadre de verdure permettant de profiter du chant du coucou. Spa et piscine découverte. A partir d’une centaine d’euros / nuit.

Restauration :

La table de la Désirade : à deux pas de l’hôtel, table gourmande et cuisine inventive. Menu à partir de 34 euros.

Le Marie Galante : en face des Aiguilles de Port-Coton, cadre chaleureux avec vue unique. Cuisine raffinée et gourmande entre terre et mer. Menu à partir de 35 euros.

Café de la Cale : en face du port de pêche de Sauzon, avec arrivée de fruits de mer livrés directement depuis le port. Compter une quarantaine d’euros.

Crêperie chez Renée : à Bangor, délicieuse crêperie avec grande terrasse pour les beaux jours. Compter une vingtaine d’euros.

Musées :

Espace muséographique Sarah Bernhardt : à la Pointe des Poulains. Retracez la vie de Sarah Bernhardt sur l’île. Visites commentées les mardis et jeudis. Donne une réduction sur le musée de la Citadelle.

Citadelle Vauban : Visite libre des principaux bâtiments de la Citadelle ainsi que du musée d’art et d’histoire de Belle-Île.

Pour retrouver plus d’informations : consultez www.belle-ile.com, le site de l’office de tourisme de Belle-Île

Escale à Belle-Île-en-mer
  1. Section 1
  2. Jour 1 : Paris / Palais / Goulphar
  3. Jour 2 : Donnant - Port-Coton
  4. Jour 3 : La Pointe des Poulains / Sauzon
  5. Jour 4 : Le Palais / Paris
  6. Nos bonnes adresses